Je vous mentirais si je vous disais que nous avons très bien dormi cette nuit-là! L’odeur de mouton et la poussière, le sol dur et inégal n’ont pas aidé. Sans compter que nous dormions en tenue complète de moto, bottes comprises, manquait que le casque! Vers 3 heures du matin nous avons tous senti une vague de froid soudaine envahir la cahute, nous tenant tous réveillés pendant un temps. Aux premières lueurs du jour nous nous sommes levés comme un seul homme. Il faisait encore trop nuit pour rouler, mais le temps de savoir qui avait ronflé le plus, puis chercher, en vain, un peu de bois pour faire un feu, l’est s’embrasait d’une lumière matinale pâle mais porteuse d’espoir d’une belle journée.
Nous sautions en selle, encore partiellement endormis, à la recherche d’une salvatrice station d’essence. Je fermais la marche et au moment où je jetais un dernier regard sur le village désert, j’apercevais un des nomades, perché sur un rocher, me faire de grands signes m’indiquant de revenir. Encore ensuqué de sommeil, mes trois compagnons assez loin devant, je l’ignorais purement et simplement en méditant sur cet étrange enchainement de circonstances nous ayant amené à des milliers de kilomètres de chez nous, passer une nuit dans une bergerie abandonnée dont le dernier souvenir que j’en garderais serait la silhouette fantomatique d’un berger drapé de blanc se découpant sur le ciel encore pâle.
Radu s’est vu confier la tâche d’ouvrir la route de nouveau. Il était aussi notre joker, car après quelques minutes les 3 Africa étaient passé en réserve et nous nous voyions de plus en plus finir en panne sèche. La moto rouge avait un gros avantage dans le domaine de la consommation d’essence. Malgré un réservoir plus petit, son autonomie était d’un bon 50 kilomètres supérieure à la nôtre.
Mais bientôt, dans le creux doux d’une légère dépression du terrain, des formes trop géométriques pour être naturelles venaient perturber les lignes hachées des montagnes. Moment d’excitation, c’était bien un village que nous voyions à l’horizon.
Dès l’entrée en ville nous localisions la station-service. Pat est celui qui avait le plus consommé. Il restait moins de deux litres dans son réservoir.
La deuxième tâche à accomplir était le remplissage de nos estomacs et la première terrasse venue nous parue satisfaire la demande. Pat et Radu voulait des œufs. «Non, ici on a que du thé et du café, mais on va trouver des œufs». Le gars traverse la rue et nous annonce :
-«les œufs seront là dans 5 minutes».
-«On peut avoir du pain avec les œufs?»
Le gars va dans la boutique à côté et reviens avec le pain.
-«des yogourts, c’est possible?»
Le gars va dans l’échoppe de l’autre côté et voilà nos yogourts
Je traverse à mon tour la rue pour aller acheter de l’eau pour nos réserves.
-«heu? C’est possible de payer sur la facture du restaurant en face car j’ai pas de change?»
-«Si, no hay problema, lo conozco bien!» (Il parlait espagnol le jeune au comptoir).
Une seule facture pour du stock de 4 endroits différents, imaginer ça à Montréal!
Pour nous il était clair que nos amis avec les camions avaient réussi à rejoindre le point de rencontre du soir précédent et se demandaient où nous étions. Le temps de leur envoyer un texto et leur réponse tombe. Ils se sont complétement perdus la veille aussi. Ils sont dans un village à moins de 50 kilomètres de notre position actuelle. Une route pavée relie les deux endroits. Il n’est pas encore 9H30 quand nous terminons notre déjeuner et le cœur léger repartons plein sud. Au premier virage dans cette petite bourgade, on ne peut les rater, nos amis sont là.
Tout le monde, totalement excité par ces retrouvailles raconte son histoire à sa façon. Après nous avoir vus pour la dernière fois la veille, les 4X4 ont suivis nos traces un bon moment avant de les perdre pur de bon. Eux non plus n’ont pas réussi à récupérer la piste du road book. Bien perdus, ils ont décidés de suivre la trace de leur GPS en sens inverse jusqu’à la dernière route traversée. Ils ont roulés une bonne partie des pistes de nuit avant de déboucher sur la route proche du village. Ils y ont pris un hôtel en pensant que nous devions les attendre au point de rendez-vous.
C’est alors une séance de mécanique qui commence pour la Red Bouc sans aile avant et la moto rouge qui est en train de perdre son sub frame. Pour moi c’est juste l’immense plaisir de retrouver ma valise et mettre des bas propres et secs! Je prends aussi mon sac de couchage et des fruits, au cas où. C’est le minimum que j’aurais avec moi à partir de ce jour-là.